Montagne phare des Pyrénées Orientales, le pic du Canigó culmine à 2 784 m d’altitude. Le massif qui l’entoure fait partie du réseau des Grands Sites de France et est réputé pour son patrimoine et ses sentiers de randonnée. Ici convergent les régions historiques du Conflent, du Roussillon et du Vallespir, en plein cœur du Pays Catalan.
Canigó ou Canigou ?
Si l’on en croit Wikipédia, la première forme connue du nom apparaît en 949 avec Montis Canigonis. Suivent ensuite Monte Canigone, Chanigono et Canigonis, puis Monte Kanigonis et Kanigoni. La forme moderne catalane Canigó apparaît pour la première fois en 1302.
C’est la francisation des noms qui a mené à la forme Canigou, utilisée jusqu’à récemment. Mais ces dernières décennies, elle tend à être remplacée par la version catalane Canigó, qui se prononce de la même manière que la version française. D’ailleurs, au-delà du Pic du Canigó, c’est toute la signalétique routière qui affiche la toponymie dans les deux langues.
Le réseau des Grands Sites de France (RGSF)
Il s’agit d’une association qui « regroupe les organismes locaux assurant la gestion et la mise en valeur de sites classés qui bénéficient d’une forte renommée et d’une fréquentation très importante. » Concrètement, RGSF réunit des Conseils généraux, des communes et communautés de communes, des syndicats mixtes, etc. , afin de réfléchir à la gestion durable, à la préservation et la valorisation de sites naturels touristiques français. Le but étant d’arriver à concilier la protection des lieux et l’accueil de tous. On dénombre, au moment où j’écris ces lignes, quarante-neuf sites adhérents au Réseau des Grands Sites de France (labellisés Grand Site de France ou en passe de le devenir : le label est décerné par le Ministère de la Transition écologique) qui ont à cœur de développer un tourisme durable, respectueux des lieux, et dont les retombées économiques profitent aussi aux habitants.
Un séjour dans le Massif du Canigó
Le Massif du Canigó est labellisé Grand Site de France depuis 2012, et on en retrouve toutes les caractéristiques : une destination nature, une culture locale forte, des mobilités douces. J’ai donc passé une semaine à rencontrer des catalans passionnés par leur territoire, à sillonner leurs chemins de randonnée, à découvrir leurs paysages et leur patrimoine.
Villefranche-de-Conflent
Après quelques heures à contempler le paysage derrière la fenêtre de mon Paris-Perpignan, je me faufile dans l’enceinte de Villefranche-de-Conflent. Des montagnes et des remparts pour cerner les petites ruelles calmes. Quelques figurines de sorcières attachées devant les maisons indiquent que l’été n’est pas encore fini. Les bruixes portent bonheur, ici. L’hiver venu, on raconte qu’elles rejoignent les grottes alentour.
Notes de voyage, Villefranche-de-Conflent, septembre 2021
Les remparts de Villefranche-de-Conflent
Villefranche-de-Conflent est une cité médiévale fortifiée très bien conservée. On pénètre dans la ville à pied, par de grandes portes. Un fort surplombe (et surveille) la ville depuis les hauteurs.
Six bastions, deux niveaux, les remparts de Villefranche sont un véritable labyrinthe, construit, remanié et complété au fil des siècles, mais dont on doit la conception actuelle à Vauban, au 17ème siècle. Le dédale de plus d’un kilomètre fait le tour des trois quarts de la ville, le dernier quart ayant été jugé inattaquable car bordé par la Têt, le fleuve qui traverse la vallée.
« La ville a souvent été attaquée ? » ai-je questionné la guide. « Jamais ! » a‑t-elle répondu. « Enfin, si, une fois, mais les habitants ont ouvert les portes ».
Les remparts de Villefranche-de-Conflent sont classés aux Monuments Historiques ainsi qu’au patrimoine mondial de l’Unesco. C’est le caractère exceptionnel de leur conception qui leur vaut cette renommée. Villefranche-de-Conflent se trouvait, dès l’origine, dans un lieu stratégique pour contrôler les passages dans la vallée. Suite au traité des Pyrénées, l’architecte Vauban a pour mission de repenser les remparts de la ville. Il décide donc de doubler les chemins de ronde, créant alors deux étages aux remparts, entièrement couverts. Entre les toits en ardoise, les murs en marbre local et les restes de l’époque médiévale, l’ambiance et l’architecture des lieux sont très particulières. Est-ce pour ça que je n’arrivais pas à m’y repérer ?
Visiter les remparts de Villefranche
Les remparts se visitent toute l’année sauf en Janvier. Vous pouvez retrouver les tarifs et les horaires sur le site de l’Office de tourisme.
Villefranche-de-Conflent en pratique : bonnes adresses pour manger et dormir
Où manger à Villefranche : Le Patio
Petite terrasse et salle agréable, Le Patio est la meilleure adresse de la ville. La carte n’est pas grande (rappelons qu’un grande carte n’est jamais bon signe !) mais suffisamment variée pour que chacun y trouve son compte. Le personnel est sympa, le cadre agréable. Que demander de plus ?
32 Rue Saint-Jean, 66500 Villefranche-de-Conflent
Réservation fortement recommandée au : 04 68 05 01 92
Où manger à Villefranche
Où manger à Villefranche : la Pizzeria des Remparts
Quand je rentre dans la pizzeria, Dédé le discret s’affaire en cuisine tandis que Samy le volubile normand partage sa bonne humeur avec la salle. « Ça vient de chez M. X, Meilleur Ouvrier de France. » À chaque tablée, il annonce que tel ingrédient vient de tel endroit, glissant au passage le CV du fournisseur. Car ici, tout est local, et autant que possible, bio. Nous voulons être un rempart contre la « mal-bouffe », un défenseur du bon, conçu et produit localement.
32 Rue Saint Jacques
66500 Villefranche-de-Conflent France
Où dormir à Villefranche
Où dormir à Villefranche : Chez l’Apiculteur
Sans surprise vu le nom du lieu, Christian est apiculteur. Il tient une petite maison d’hôtes au-dessus du magasin où il vend son miel.
19, rue Saint-Jacques
66500 Villefranche-de-Conflent
Contact : 6 01 17 92 53
Le soir venu, la ville revêt un charme particulier. Quelques lampadaires éclairent les ruelles devenues calmes et désertes. J’entends des éclats de voix, de rire, venus des placettes où les terrasses accueillent fêtards et noctambules. Quelle que soit la rue, mon regard vient toujours buter sur un front montagneux, dont le sommet semble vite disparaître, avalé par les nuages et la nuit.
Notes de voyage, Villefranche-de-Conflent, septembre 2021
Le Train Jaune des Pyrénées
Le Train Jaune cumule les superlatifs : le plus haut, le plus beau. Paré des couleurs vives du blason catalan, ce TER fait entièrement partie du patrimoine local. Et il suffit de l’évoquer avec des habitants pour voir leurs yeux s’illuminer, et constater combien ils sont attachés au « canari ».
Construite au début du siècle dernier, la ligne ferroviaire avait pour but de désenclaver les hauts plateaux catalans. Au départ de Villefranche-de-Conflent, les rails se faufilent au pied du massif du Canigó jusqu’au plateau pyrénéen de la Cerdagne. En 63km, on rejoint Latour-de-Carol. Mais on ne prend pas le Train Jaune pour aller vite : à 30km/h en moyenne, ne dépassant jamais les 55km/h, le Canari permet d’apprécier pleinement les paysages. Equipé à présent d’un wagon panoramique ouvert, ce TER est aussi un train touristique. On le prend autant pour rejoindre un départ de randonnée que pour admirer les paysages de la vallée de la Têt.
Ci-dessus : le Train Jaune traversant les 237m de long du viaduc Séjourné bien reconnaissable à ses arcades.
Sur la photo de gauche, le train se trouve à 65m au-dessus du sol !
Le Train Jaune dessert vingt-deux gares mais seules cinq sont des arrêts récurrents. Pour toutes les autres, il faut se signaler au conducteur (lui faire signe depuis le quai lorsque le train approche et lui dire où on souhaite descendre !).
Parmi les gares les plus connues, on pourra citer Olette, Fontpédrouse, Mont-Louis, Font-Romeu, Saillagouse, Bourg-Madame ou encore Bolquère-Eyne, gare SNCF la plus haute de France avec ses 1592m d’altitude. C’est un sacré dénivelé, depuis les 415 mètres d’altitude de Villefranche-de-Conflent !
En gare de Villefranche, j’hésite un instant : choisir le wagon panoramique ouvert, déjà bien rempli, ou grimper dans le wagon de queue. Je me laisse séduire par le charme de l’intérieur. Les voyageurs s’installent. Il y a ce couple avec un nouveau-né, qui visite les grands-parents et la région en même temps. Ces trois touristes anglais, qui ont déjà l’appareil photo à la main. Cet habitant de Villefranche qui s’installe confortablement après avoir mis son VTT dans le compartiment dédié.
Un soubresaut, le train démarre. On longe les remparts de Villefranche-de-Conflent. Les rideaux ondulent avec le mouvement lent du wagon. La lumière du soleil, encore bas, réchauffe les vieux sièges.
Je reste debout. Je me penche tantôt à gauche, tantôt à droite. Serdinya. Joncet. Olette. Je photographie le bourg et son église depuis le train. La vallée s’élargit. Le paysage change. Je ne lâche pas mon appareil photo. Ces 30km/h sont presque trop rapides !
Notes de voyage, à bord du Train Jaune, septembre 2021
Le Train Jaune est une véritable prouesse technique dans sa construction. Les travaux commencent en 1903, et, s’il faut attendre 1927 pour rejoindre Latour-de-Carol, il est possible d’aller de Villefranche-de-Conflent à Mont-Louis dès 1910. Les 63km de la voie ferrée sont ponctués par six cent cinquante ouvrages d’art, parmi lesquels dix-neuf tunnels et plusieurs ponts dont deux viaducs classés Monuments Historiques : le Pont Séjourné et le Pont suspendu Gisclard.
Le Train Jaune fonctionne, depuis sa mise en service, par un système de traction électrique. L’alimentation en électricité se fait grâce à un système hydraulique : un barrage au lac des Bouillouses, et un ensemble de sept stations électriques. Tout le complexe a été construit en même temps que la ligne ferroviaire, spécialement pour l’alimentation du train. Le Train Jaune roule donc depuis plus d’un siècle à 100% avec de l’énergie verte.
Ci-contre : le Train Jaune passe sur le Pont Cassagne (ou pont Gisclard), dernier pont suspendu ferroviaire de France sur une ligne encore exploitée. La passerelle est maintenue par des câbles à 80 mètres de haut.
Le Train Jaune circule toute l’année, été comme hiver. C’est un excellent moyen de se déplacer dans la région. Pour une place dans le wagon découvert, il est conseillé de se rendre en avance à la gare. La ligne est connectée avec le réseau ferroviaire à ses deux extrémités, et notamment Perpignan depuis la gare de Villefranche, ou Toulouse et l’Espagne depuis la gare de Latour-de-Carol.
Cahin caha, le train grimpe jusqu’à Thuès-entre-Valls. Altitude 789m. Ce n’est pas un arrêt obligatoire. Je suis la seule à descendre. Le train repart tandis que je contemple le paysage depuis le quai vide. Je comprends l’attachement des locaux à ce train. Un service public qui offre le luxe de pouvoir ainsi rejoindre un départ de rando !
Notes de voyage, septembre 2021
Les Gorges de la Carança
À l’origine, il s’agissait d’un sentier taillé dans la roche pour permettre aux ouvriers de rejoindre le chantier de l’usine hydroélectrique mais, aujourd’hui, les Gorges de la Carança font partie des randonnées incontournables des Pyrénées Orientales. La rando est spectaculaire, à bien des égards !
Depuis le parking, on emprunte un pont puis un sentier qui monte en raidillon jusqu’à la corniche. Cette petite montée abrupte sera la seule de la journée : le reste de la promenade est pratiquement plat.
Itinéraire pour les Gorges de la Carança
Il existe plusieurs trajets et chemins possibles, selon le temps dont vous disposez et vos envies. Vous trouverez toutes les infos sur le site de l’Office de Tourisme. Personnellement, j’ai choisi d’aller jusqu’au barrage puis de revenir par le même chemin. Si j’ai généralement une préférence pour les sentiers en boucle, je n’ai eu, pour autant, aucun regret à revenir sur mes pas pour refaire ma partie préférée : la corniche !
Randonner dans les Gorges de la Carança
Si cette rando ne présente aucune difficulté technique ni aucun risque majeur, elle est toutefois déconseillée aux personnes sujettes au vertige ainsi qu’aux jeunes enfants. Je vous laisse juger d’après les photos qui suivent si la corniche et les passerelles sont faites pour vous !
Si la première moitié de la rando offrait déjà un beau précipice sous la corniche, la deuxième moitié offre, quant à elle, quelques poussées d’adrénaline ! On emprunte une série d’échelles, de ponts de singes et de passerelles pour remonter le cours de la rivière. Le parcours ne présente, bien sûr, aucun danger pour qui fait attention : des mains courantes permettent de se tenir, et aucun accident n’a jamais été à déplorer. C’est donc une manière ludique de s’enfoncer dans une partie plus resserrée des Gorges de la Carança !
Les bains de Saint-Thomas
De nombreux randonneurs choisissent de terminer leur escapade par une baignade dans les bains de Saint-Thomas, situés juste à côté des Gorges de la Carança. Il faut dire que le cadre est magnifique, le tarif est plus qu’abordable (7,50€ pour un adulte) et l’eau chaude est naturelle. Il s’agit d’une eau thermale qui sort de terre à 58°C ! Les bassins sont donc à plus de 30°C toute l’année ! (et, oui, j’ai envie d’y retourner en plein hiver !)
Se prélasser dans les bains de Saint-Thomas
Pour les horaires et tarifs, rendez-vous sur leur site.
Evol, l’un des plus beaux villages de France
Le clocher de l’église romane Saint-André se repère de loin. Au milieu des montagnes, voici le petit village médiéval d’Evol. En contrebas de l’ancienne forteresse, le hameau semble figé dans le temps. Un travail de rénovation formidable permet de se promener dans des ruelles impeccables, et autres adjectifs en able : agréables, adorables. C’est aussi charmant, pittoresque et photogénique. Les ruelles étroites et escarpées montent, descendent, serpentent entre les maisons. On passe devant le lavoir. On admire les fleurs qui ornent les devantures, ou les fours à pain qui sont intégrés dans les façades.
On se faufile entre les petites maisons aux murs de schiste et toits de lauzes, typiques du patrimoine rural du Haut-Conflent. Ce sont les habitants du hameau qui ont retroussé leurs manches pour créer l’élan de motivation nécessaire à la restauration du village, aujourd’hui classé parmi les plus beaux de France.
Le château ne se visite pas (il est en cours de rénovation), mais je vous conseille d’y monter pour la vue plongeante sur le village. C’est cette localisation au milieu des montagnes qui fait tout le charme d’Evol, il me semble !
L’abbaye de Saint-Martin du Canigó
La visite de l’abbaye de Saint-Martin se mérite. Le pic de Tres Estelles toise les visiteurs qui s’aventurent sur le chemin. Sous les frênes et les châtaigniers, les lacets semblent interminables. Qui a bien pu vouloir construire une abbaye au sommet d’une telle côte ?
Notes de voyage, abbaye de Saint-Martin du Canigó, septembre 2021
En 1009, 30 moines bénédictins vivent ici, dans le monastère établi suite aux donations du fameux Guifred, comte de Cerdagne. Les ermites s’y réunissent en communauté afin d’éprouver l’appel au désert. Et quel lieu plus approprié pour cela qu’un éperon rocheux qui domine une partie de la vallée du Cady tout en étant partiellement enclavé dans les contreforts du Pic du Canigó.
S’ensuit un millénaire d’histoire compliquée. Conflits, tremblement de terre
. Au 18ème siècle, il ne reste plus que cinq moines infirmes et âgés. L’abbaye tombe en ruine. Elle est sécularisée puis vidée. Elle devient tour à tour carrière à ciel ouvert pour les habitants du coin, puis bergerie.Heureusement, le 20ème siècle est celui de la restauration de l’abbaye. En 1902, l’évêque de Perpignan entreprend la reconstruction du monastère, si cher aux catalans qu’ils participent en nombre au chantier. Puis, à partir de 1952, un moine bénédictin s’installe sur place pour restaurer l’abbaye. On récupère ce que l’on peut des éléments pillés pendant les siècles passés. Quelques chapiteaux regagnent leurs colonnes de marbre. D’autres sont sculptés pour l’occasion. On livre une nouvelle cloche.
Et en 1988, la Communauté des Béatitudes s’y installe. Aujourd’hui, c’est une quinzaine de personnes, sœurs, frères et laïcs, qui y partagent une vie pastorale ouverte.
Visiter l’Abbaye de Saint-Martin du Canigó
L’abbaye n’ouvre ses portes qu’aux visites guidées. Pour la visiter, vous trouverez toutes les infos sur leur site.
Il est également possible d’y dormir, si vous souhaitez découvrir la vie de la communauté ou simplement profiter des paysages et de la sérénité du lieu.
Le lieu est étonnamment grand, surtout au vu de la configuration du rocher. L’ancienne abbaye bénédictine Saint-Martin-du-Canigó est réputée pour être un joyau du premier art roman régional dont on retrouve tous les attributs, comme le clocher lombard. On y découvre notamment deux églises superposées. L’église inférieure est partiellement creusée dans le rocher, très basse, avec de larges voutes soutenant trois nefs. Pour construire l’église supérieure, juste au dessus, il a fallu consolider les colonnes, ce qui contribue à leur donner un aspect massif.
Je rencontre Pascale devant les portes de l’Abbaye. Laïque, elle vit ici depuis plusieurs années. Elle me parle de sa vie sur place. De ses enfants qui y ont grandi. De l’attachement que toute la famille ressent pour ce lieu. De l’enfant de l’autre famille de laïcs qui fêtait ses anniversaires à l’abbaye, avec les camarades du village. Ses yeux brillent. Pascale respire le calme et la douceur. Son sourire est sincère. Sa bienveillance aussi.
Je lui demande comment tout a commencé. Elle me raconte qu’elle cherchait une communauté où s’installer avec son mari. Ils en avaient deux en vue, et lorsqu’ils ont visité Saint-Martin, elle a été prise d’une crise de claustrophobie. Pourtant, ça ne l’a pas découragée. Elle a senti que sa place était ici et ne l’a jamais regretté. Elle a appris a aimer ces falaises qui cernent le cloître.
Notes de voyage, abbaye de Saint-Martin du Canigó, septembre 2021
Ille-sur-Têt
Ille-sur-Têt est réputée pour ses Orgues. D’étranges formations qui évoquent Bryce Canyon ou la Cappadoce. Sauf qu’à l’arrière-plan, c’est le pic du Canigó qu’on aperçoit ! Nous sommes bien dans les Pyrénées !
Ces cheminées de fées sont le fruit de l’érosion et du temps sur un ancien lit de rivière où se sont déposées des couches de sable et d’argile. On distingue aisément les différentes strates en regardant attentivement les formations géologiques.
Les Orgues : zone fragile
Les Orgues sont fragiles. Ces cheminées de fée, sculptées par le vent, sont en constante évolution, et continuent de s’éroder au fil du temps. Il est possible de les approcher en se rendant sur le site touristique géré par la mairie, mais il faudra veiller à respecter les lieux : on ne cueille rien, on ne ramasse rien, on reste sur les sentiers, et on n’escalade pas, même si on voit d’autres crétins personnes le faire.
Pour ma part, j’ai préféré les vues de loin, qui ne dégradent pas le site. Et je suis donc allée randonner autour des Orgues avec un guide naturaliste local pour en apprendre un peu plus sur la faune et la flore si particulières.
Randonnée avec Thierry
Thierry m’attend à la table d’orientation, juste au-dessus des Orgues. Le ciel vient de se couvrir. Un comble, car c’était plutôt la chaleur qui était à craindre en cette saison. Nous nous mettons en marche. Thierry m’entraîne sur les sentiers. En marchant, il commente la flore locale. Telle fleur a des feuilles qui retiennent l’eau de telle manière. Telle autre sait protéger ses graines des incendies.
Notes de voyage, Ille-sur-Têt, septembre 2021
Il me faut aussi faire un aparté sur le climat local : ici, il fait très chaud, et très sec. Ainsi, en plein été, Thierry ne propose jamais de sorties randonnées avant la fin d’après-midi. La flore est basse, il n’y a pas d’ombre. C’est un environnement très fragile, et particulièrement sujet aux incendies, qui frappent régulièrement la région.
Nature sensible
Ici, plus que jamais : ne pas fumer, ne rien jeter, ne pas faire de feu. Un simple tesson de bouteille jetée au sol ou oubliée peut être la cause d’hectares qui partent en fumée !
Dans le sac de Thierry, des dizaines d’appeaux. On tend l’oreille. Les orgues sont un lieu de nidification idéal pour les guépiers, et les bosquets qui nous entourent frémissent sous les allées et venues des oiseaux. Geais, pies, merles, hirondelles… Thierry est intarissable.
Avant d’être guide, Thierry était animateur nature. Depuis l’enfance, il venait dans les Pyrénées pour les vacances, depuis le nord de la France. Et puis un jour, il a découvert les Orgues. Il en parle encore avec émotion. Les cheminées ocres devant le Canigó enneigé. Le contraste, les couleurs. Il a décidé de venir s’installer ici. Et non seulement il n’est jamais reparti, mais en plus, il ne s’en lasse toujours pas !
La randonnée se termine dans le jardin d’Adrien, un octogénaire aux yeux vifs. Natif du coin, il s’est installé ici dans les années 70. Thierry termine toutes ses randonnées chez lui : pour son jardin un peu particulier et la vue qu’on y découvre à son extrémité. Car tout au bout du terrain, c’est une vue plongeante sur les Orgues qui nous attend !
Il s’avère que jusqu’au début des années 90, les orgues partie partie d’une exploitation agricole. Et personne ne se souciait vraiment de ces curiosités géologiques. Quand Adrien a acheté son terrain, les Orgues étaient encore cernées par un verger. Trente ans plus tard, Adrien bénéficie d’une vue à la fois unique et exceptionnelle sur le site des Orgues.
Je demande à Adrien si je peux le photographier. Il sourit et pose sa canne. « Sinon, on va croire que je suis vieux », m’explique-t-il, malicieux. Les chiennes courent partout. Je déclenche, deux, trois, quatre fois. Adrien avance dans la plantation. Les chiennes jouent à côté. Il parle des chênes truffiers, de comment personne n’y croyait au départ. Et soudain il s’arrête net. Les chiennes sont en train de creuser au pied d’un arbre. Adrien s’approche. La saison est pourtant finie. Mais les chiennes s’activent, malgré tout. Il se penche. Il avance sa main vers la terre meuble, gratte un peu. Et je vois son visage s’illuminer. La dernière truffe. Une oubliée !
Notes de voyage, Ille-sur-Têt, septembre 2021
Adrien a planté des dizaines de chênes truffiers sur son terrain. Les sols du Languedoc-Roussillon sont réputés favorables à la trufficulture. Juste au-dessus des Orgues, la terre était à la fois argileuse, sablonneuse et légèrement caillouteuse, juste comme il faut, mais pas assez riche. Adrien a donc ramené des sacs et des sacs avant de planter ses chênes.
Chêne vert, écarlate, pédonculé, pubescent. Je découvre qu’il existe plusieurs variétés de chênes susceptibles d’accueillir les truffes. Tout comme des charmes, des noisetiers, des cèdres, des hêtres, etc. Tout se passe lors de la mycorhization.
La truffe vit en symbiose avec l’arbre. Accroché à ses petites racines, ce champignon échange des éléments minéraux qui nourrissent l’arbre en contrepartie de substances hydrocarbonées. Après plusieurs années de colocation, le champignon va commencer à produire des carpophores : les fameuses truffes.
La mycorhization consiste donc à « forcer » le processus de symbiose. Il pourrait se produire dans la nature, mais de manière aléatoire. Pour constituer une truffière, il faut donc aider le champignon à s’installer dans les racines d’une jeune pousse.
Ci-dessus : un chêne mycorhizé par Adrien. Il faudra attendre une dizaine d’année avant de commencer à récolter des truffes… à condition que le processus ait fonctionné ! En attendant, Adrien bataille contre les sangliers !
Adrien ramasse ainsi une dizaine de kilos de truffes par an, aidé de ses chiennes, Diane et Choupette, la mère et la fille. Biberonnés à l’huile de truffe, les chiots apprennent dès leur plus jeune âge à repérer les champignons. Ils n’en mangent pas, bien sûr, mais savent qu’ils seront récompensés s’ils en trouvent. Alors Diane et Choupette jouent très bien le jeu !
Attention : la truffière d’Adrien est une propriété privée. L’accès n’est donc possible que dans le cadre des randonnées organisées par Thierry, dont vous avez le contact ci-dessous.
Thierry, guide nature dans les Pyrénées Orientales
Contact : +33 6 95 12 62 75
Son site internet
Une chambre d’hôtes à côté des Orgues d’Ille-sur-Têt
Où dormir à côté des Orgues d’Ille-sur-Têt
Chambres et table d’hôtes Casa Mia
Impasse Camille Pelletan
66170 Nefiach
Contact : +33 6 66 67 21 40 ou +33 6 66 67 21 40
Toutes les infos sur leur site.
Après des années d’expatriation, Manuel et Sigrid voulaient se reposer un peu. Alors à leur tour, ils ont décidé de recevoir les voyageurs. Ils ont sillonné la France jusqu’à avoir le coup de cœur pour les Pyrénées Orientales. Ils ont posé leurs valises dans la vallée, acheté une maison de bourg avec un joli jardin, fait beaucoup de travaux, et ouvert leurs portes ! Outre le fait que les chambres soient très agréables, la table d’hôtes est également très bonne.
Randonnées autour du Château de Caladroy
Je ne sais pas si c’est le Château de Caladroy qui a inspiré Virginie, ou Virginie qui a modelé le Château de Caladroy a son image, mais deux choses sont sûres : Virginie est le genre de femme qui fait mille choses à la fois et il se passe mille choses au Château de Caladroy.
Le château du 12ème siècle domine la région. Virginie m’explique que certains matins, quand le ciel est dégagé, elle distingue les voiliers sur la Méditerranée. Trente kilomètres à vol d’oiseau, et à vue de nez. Au fil du temps, le château a été déconstruit, modifié, agrandi.
Aujourd’hui c’est Virginie qui met sa patte en faisant construire des gîtes sur le domaine, entre les vignes et les oliviers, à deux pas des départs de randonnée.
Elle m’entraîne pour un tour de la propriétaire. Nous traversons la cave à dégustation avec ses jolies voutes, puis la cour intérieure et sa petite chapelle, avant de monter dans le grand escalier qui mène aux salles d’exposition. Les tirages du club photo local ornent les murs pour une exposition temporaire. Et partout, des robes de mariée, issues de la collection du père de Virginie, propriétaire d’une entreprise spécialisée.
Est-ce qu’un lieu qui mélange dégustation et robes de mariée est un traquenard ?
Les sentiers de randonnée du domaine proposent de marcher au milieu des vignes, à la découverte des vestiges du passé : en effet, un peu partout, se dressent des dolmens !
Le Château de Caladroy
Ci-dessus :
la vue sur l’Aude depuis les belvédères des Balcons Nord du Canigó
et le dolmen du Moli del Vent, un tombeau vieux de plus de 4500 ans !
Le charme discret de Belesta
Je retrouve à Belesta ce que j’apprécie depuis le début de mon séjour dans le massif du Canigó : un petit village rural, calme, dont les ruelles piétonnes s’enchevêtrent en un joyeux dédale pavé. Comme à chaque fois, ça monte, ça descend, ça tourne ! Et je me perds avec délice, dans tous ces escaliers.
Notes de voyage, Belesta, septembre 2021
Le Riberach
Au cœur du village de Belesta, l’ancienne cave coopérative est à présent occupée par le Riberach, à la fois hôtel eco-lodge et domaine viticole. Les propriétaires produisent très peu de bouteilles, mais ont une démarche engagée : des vins nature, bio, avec le moins possible de machines.
Les propriétaires ont décidé de valoriser l’histoire du lieu au maximum. Ainsi, une partie des chambres a été aménagée dans les anciennes cuves de la cave coopérative, et l’ensemble du bâtiment est tourné vers les vignes. En contrebas, la piscine naturelle s’insère harmonieusement dans le décor.
Riberach
L’hôtel est aussi réputé pour ses restaurants et sa cave, composée notamment de vins locaux.
Pour les horaires, prix et disponibilités, vous trouverez toutes les infos sur le site de l’hôtel.
Personnellement, j’ai dormi dans l’un de leurs gites, qui se trouve juste au-dessus, dans le village : La maison du Château.
Indépendamment de l’hôtel, il est également possible de participer à des visites et dégustations. L’occasion de comprendre les spécificités des vins nature (qui ne sont pas des vins de garde), de goûter les différences entre les cépages (3 rouges et 3 blancs), et puis de passer côté coulisses, aussi, pour découvrir l’avant mise en bouteille !
Lors de mon passage, la jeune femme qui s’occupait des visites et dégustations était très pédagogue, et prenait le temps de tout vulgariser, sans élitisme ni mépris (elle ne s’est même pas moquée du monsieur qui croyait qu’on faisait du rosé en mélangeant du blanc et du rouge, c’est dire sa patience !). Je le précise, car en tant qu’inculte aux savoirs œnologiques, on pourrait hésiter à mettre nos chaussures de randonnée dans pareil endroit. Mais non, j’y ai été très bien accueillie !
Manger à Belesta
J’ai dormi dans l’un des gîtes du Riberach. La fenêtre du salon donnait directement sur la porte d’entrée de la maison de Pierre. Pierre est un sacré personnage. Comme Pierre n’aime pas être pris en photo, vous n’aurez qu’à imaginer que Pierre a les allures d’un Jean Reno au crâne rasé. Pierre a eu un restaurant à Belesta, aussi réputé pour sa carte que pour sa vue sur le Pic du Canigó. Mais Pierre aime aussi le calme et la tranquillité. Alors traiteur, ça lui va bien. Il cuisine des plats à emporter à base de produits de son jardin ou locaux, ainsi que des pizzas. Et c’est très bon.
Traiteur à Belesta
Des plats à emporter et des pizzas.
Randonnée dans le passé industriel du massif du Canigó
entre La Pinosa et le refuge de Batère
Je retrouve Fabien à l’entrée du chemin. Broussail, est en train de manger à ses côtés, tranquillement. Le temps de glisser quelques victuailles dans les sacoches du mulet et nous commençons la marche. Nous montons vers La Pinosa, paisiblement, au rythme de Broussail, tandis que Fabien m’explique comment il est devenu le muletier du Canigó.
Notes de voyage, refuge de Batère septembre 2021
Juste au-dessus du petit village de Valmanya, se trouvent les ruines des mines de fer de La Pinosa (ou La Pinouse). Le fer du Canigó est en fait exploité depuis l’Antiquité. Dans le village minier de La Pinosa, à 1350m d’altitude, on extrayait 30 000 tonnes de minerai par an jusqu’en 1931. Le fer local était si connu pour sa qualité qu’il a servi pour réaliser les grilles du Château de Versailles.
À l’époque où la mine était en activité, 600 personnes habitaient dans le village minier, aujourd’hui en cours de restauration. On y trouvait des dortoirs, des cantines, un boulanger… Les vestiges du site laissent percevoir l’importance qu’il a pu avoir.
Au moment où j’ai fait cette randonnée (septembre 2021), les sentiers n’étaient pas encore finalisés. D’ici peu, une signalétique permettra, non seulement de suivre facilement le sentier, mais aussi d’en apprendre plus sur les lieux et le fonctionnement de l’industrie du fer dans le massif du Canigó.
Le chemin, depuis La Pinosa, emprunte partiellement une ancienne voie ferrée, qui permettait le transport du minerai entre Rapaloum et Formentera. Et tout le long de la randonnée, subsistent des traces de l’exploitation du fer : tunnels des anciennes mines devenus refuges pour chauves-souris, câbles qui traversaient la vallée pour rallier Rapaloum et qui enlacent maintenant les arbres, wagonnets abandonnés, etc. Plus loin, le site minier des Ménerots offre lui aussi son lot de vestiges fantomatiques avec l’ancien four, les bassins, les pans inclinés… Difficile d’imaginer que ce paisible paysage de montagne foisonnait autrefois de mineurs, de wagonnets, et que dans toute la vallée devait retentir le bruit des trains et des pioches.
L’histoire de Fabien et de ses mules commence il y a 10 ans. Fabien entreprend de retaper un mas dans un petit hameau qu’il vient d’acheter avec des copains. Sauf que la route s’arrête 400m plus bas, et qu’il leur faut transporter courses et matériaux jusqu’au mas. La solution est toute trouvée : utiliser des chevaux et des ânes. Et la suite, ce sont des ânons, et Fabien qui se dit qu’il va devoir trouver une activité professionnelle qui lui permette de garder les jeunes ânes. Il alterne ainsi entre transport sur les pentes du massif du Canigó et activités en relation avec le tourisme.
Notes de voyage, refuge de Batère septembre 2021
Randonner autour du Canigó avec des ânes
Toutes les infos et contacts pour partir en rando avec des ânes ou des poneys sur le site de Fabien.
Itinéraires de randonnée
Ci-dessus : un étrange animal (non)endémique croisé pendant la rando et la Tour de Batère, juste avant le refuge
Le refuge de Batère
Le refuge de Batère est lui aussi un vestige des grandes heures de l’exploitation du fer dans le massif du Canigó. L’imposante bâtisse logeait autrefois les employés des mines de Batère. Le bâtiment a été en partie réhabilité et transformé en auberge.
Refuge de Batère
Le refuge ouvre à partir de mai jusqu’à mi-octobre.
Pour connaître les dates et disponibilités, vous pouvez consulter directement le site du refuge.
Le refuge propose des dortoirs, des chambres doubles, ainsi qu’un restaurant (tout est fait maison, même les confitures du petit déjeuner !) et une terrasse fort agréable.
Au moment où j’écris ces lignes, le refuge applique toujours le protocole lié au Covid : il faut prévoir son sac de couchage.
Ci-dessus : Morgan et Robin, maîtres des lieux
Randonnée : le Pic de l’Estelle depuis le refuge de Batère
Mettre le réveil à 4h30.
Être debout bien avant.
Visser le sac sur le dos, et la frontale sur la tête.
Quitter le refuge sur la pointe des pieds.
Enfiler les chaussures de randonnée.
Allumer la frontale.
Marcher 500m.
Enlever une couche.
Marcher 500m.
Enlever une couche.
Marcher 500m.
Enlever une couche.
[…] Faire un détour pour ne pas réveiller un troupeau de moutons.
Arriver au sommet.
Remettre toutes les couches.
Attendre le lever du soleil.
Notes de voyage, refuge de Batère, septembre 2021
J’ai fait l’ascension du pic de l’Estelle à la frontale, depuis le refuge de Batère. Le ciel était un peu voilé ce matin-là, mais on profitait malgré tout, depuis les 1 782m d’altitude du sommet, d’une super vue panoramique : le Puig Sec et la crète du Barbet à l’Ouest, la chaînes des Albères à l’Est, le Pech de Bugarach, les falaises de Leucate, le Bassagoda en Espagne, la plaine du Roussillon, et tout au bout la Méditerranée.
Depuis le refuge, l’itinéraire consiste principalement à suivre la ligne de crête jusqu’au sommet. La montée n’est pas particulièrement raide, mais peut sembler longue. La récompense attend en haut, lorsque le soleil semble sortir de la Méditerranée et fait rougir tout le massif.
Toutes les infos pour faire cette rando
Distance : 8,9 km
Dénivelé Positif : 470 m
Temps de Marche : 3h30
Vous trouverez la carte et l’itinéraire détaillé sur le site de l’Office de Tourisme.
C’est une randonnée qui ne présente aucune difficulté technique. Par contre, pensez à prévoir des vêtements pour les intempéries, de l’eau, un casse-croûte éventuel, et relisez le partie de cet article dédiée aux patous car cet itinéraire passe à proximité de zones de pâturages.
Le chemin du retour permet de faire une boucle plutôt que de revenir sur ses pas. On bascule ainsi sur une autre ligne de crête pour rejoindre la route qui mène au refuge, en passant par la Tour de Batère.
Au Moyen-Âge, les crêtes et sommets des Pyrénées Orientales étaient jalonnés de tours à signaux : y allumer un feu était alors le moyen le plus rapide et le plus efficace d’informer le Palais de Perpignan d’une attaque éventuelle.
Amélie-les-Bains
Amélie-les-Bains est une station thermale. On vient s’y reposer. Profiter du calme et de la douceur du climat. Se promener le long du Tech. Pourtant, lorsque j’arrive à Amélie-les-bains, la fête bat son plein. Fanions et banderoles dans les rues, foules sur les places, chants et danse partout. C’est le jour de la foire catalane, l’occasion d’assister à quelques festivités typiques de la région.
Les stars de la journée, ce sont sans conteste les gegants, ces grands personnages qui dansent au son des timbals, les percussions qui marquent le rythme, et des grallas, genre de hautbois traditionnels. Ces géants paradent toujours par deux, conçus par les jeunes du village pour évoquer quelques personnalités du passé local, fictives ou non. Ce sont d’imposantes structures de bois ou de métal vissées sur les épaules d’un porteur, qui devra tournoyer, danser, marcher, avec son personnage.
De temps en temps, le défilé s’arrête pour laisser place aux castells. Sous le regard des géants et des spectateurs, des dizaines d’acrobates construisent des tours humaines. Un étage, deux étages, trois étages… Six, sept, huit… Certains castells vont jusqu’à dix étages. Dix niveaux de femmes et d’hommes montés debout sur les épaules d’un ou d’une autre. Et tout en haut, le plus léger, un enfant, qui escalade la tour humaine comme d’autres monteraient à une échelle. L’équilibre est précaire, personne ne doit flancher. L’exercice est spectaculaire !
Comment se comporter avec les patous,
explications et conseils d’une bergère
Sur la foire d’Amélie-les-Bains, je rencontre Siska. Elle travaille avec sa sœur, Orphée, sur l’exploitation familiale à 1200m d’altitude, dans le haut Vallespir, au mas de la Cazette, non loin du refuge de Batère.
Se rendre à la ferme
Il est possible d’acheter des productions de la ferme en vente directe, et d’en visiter une partie.
Plus d’infos ici.
Les sœurs ont deux troupeaux qui ne se mélangent pas : l’un pour la viande, l’autre pour le fromage. Les brebis se reconnaissent entre elles, et rejoignent instinctivement le bon groupe. Elles passent une partie de l’année en alpage, en liberté dans des pâturages. Et pour protéger le troupeau, bien sûr, il y a les patous.
Les patous, ce sont de gros chiens, proches du golden retriever, bien connus des randonneurs en montagne. Ils grandissent, dès leur plus jeune âge, avec le troupeau. Ils en font partie intégrante et ne le quittent jamais : l’hiver, les patous dorment dans la bergerie. Ce ne sont pas des chiens agressifs, ils ont un rôle de protection. Les humains ne sont pas des menaces pour les brebis, me direz-vous. Eh bien, potentiellement si ! En s’approchant trop d’un troupeau, on peut l’amener à se déplacer, à aller dans des zones dangereuses.
Quelle attitude adopter face aux patous, les conseils de Siska
Siska m’explique que les patous ne sont pas, par nature, des chiens très agressifs. Il peut même arriver de devoir se séparer de patous trop gentils qui suivent les randonneurs en jouant et qui abandonnent ainsi le troupeau ! La mission du patou est de protéger son troupeau. Il va aboyer dès qu’il percevra un danger, mais n’est pas là pour attaquer : il doit décourager les intrus. C’est donc ce qu’il faut retenir face à un patou : s’arranger pour ne pas être perçu comme un danger pour le troupeau.
- Ne pas s’approcher du troupeau, garder ses distances, quitte à faire un détour.
- Face à un patou, ne jamais, jamais, jamais, essayer d’être menaçant avec un bâton ou un caillou. Le regarder dans les yeux en essayant de l’impressionner est aussi une mauvaise idée.
- De même, éviter tout mouvement brusque ou cri qui pourrait surprendre le patou. Rester calme.
- Ne surtout pas partir en courant : le patou suivrait. Si vous rebroussez chemin, faites-le normalement, en marchant tranquillement. Le patou suivra peut-être quelque temps, mais rejoindra le troupeau dès qu’il aura vu que vous ne présentez aucun danger.
En résumé : la meilleure option reste de garder ses distances avec les troupeaux !
Prats-de-Mollo
Prats-de-Mollo a de nombreux points communs avec Villefranche-de-Conflent : vieille ville médiévale fortifiée aux petites ruelles pavées, dominée par un fort conçu par Vauban.
Prats-de-Mollo est un charmant dédale de ruelles est d’escaliers. Je longe l’enceinte médiévale, je descends par un escalier, croise un chat, remonte par un autre, croise deux chats, rejoins l’une des deux artères centrales où se trouvent les commerces. Je m’étonne de la densité en matière de librairies pour une ville de 1200 habitants. Je traverse le pont fortifié de la Guillema, direction la Ville Haute. À nouveau le même dédale. Un escalier, des façades colorées, et toujours des chats, partout.
Notes de voyage, Prats-de-Mollo, septembre 2021
Je longe l’église Saintes Juste et Ruffine. Une porte médiévale, massive, ornée d’une côte de baleine dont personne ne connaît l’origine. Je n’avais jamais entendu parler de Juste et Ruffine. Il s’avère que ce sont deux Saintes d’Andalousie. Je poursuis derrière l’église. Je passe la Porte de la Fabrique. Me voici de l’autre côté des remparts, en face de l’accès au souterrain du Fort Lagarde.
Notes de voyage, Prats-de-Mollo, septembre 2021
On accède au Fort Lagarde de plusieurs manières, mais l’une d’elles, la plus ludique, est d’emprunter le souterrain qui part de la ville fortifiée pour rejoindre directement le Fort. C’est le chemin que suivaient les soldats de la garnison en place au Fort, au 17ème siècle.
Visiter le Fort Lagarde à Prats-de-Mollo
Pourquoi construire un Fort au-dessus d’une ville fortifiée et non à l’intérieur ?
Pour comprendre, il faut se replonger dans l’histoire du Vallespir. Prats-de-Mollo, au Moyen-Âge, est une ville royale et prospère, rattachée à la couronne d’Aragon. Mais en 1659, Louis XIV et Philippe IV signent le Traité des Pyrénées qui amène une paix entre les royaumes de France et d’Espagne, des mariages entre cousins de haut rang, et l’annexion du Roussillon par la France. Dans la foulée, le Roi Soleil décide de rétablir l’impôt sur le sel, se mettant définitivement à dos la population locale. C’est le début de la révolte des Angelets.
C’est alors que Vauban arrive, quelques années plus tard, avec les plans du Fort Lagarde : sous prétexte de surveiller la frontière voisine, il établit une citadelle qui pourra surveiller (et écraser) toute tentative de rébellion. Il fallait assoir le royaume de France.
Visiter le Fort Lagarde
Les horaires des visites varient en fonction de la période de l’année.
Renseignements à prendre auprès de l’Office du Tourisme de Prats-de-Mollo (Place du Foiral, contact : 04 68 39 70 83) ou sur leur site internet.
Une nuit en cabane avec vue, à Prats-de-Mollo
Sur le flanc opposé au fort Lagarde, perdues dans les arbres, se cachent plusieurs cabanes. Elles sont tenues par Fanny qui possède également un restaurant au village.
Domaine Oz’Arbres
Route d’Espagne
66230 Prats-de-Mollo-la-Preste
Téléphone : 06 51 06 02 54
Toutes les infos sur leur site web.
Fait rare et intéressant : certaines de ces cabanes sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.
Randonnée des Tours de Cabrenç depuis Serralongue,
à la découverte des tours à signaux du massif du Canigó
Serralongue est un petit village du Haut Valespir, tout près de la frontière espagnole. C’est d’ailleurs non loin du bourg que se situe le point le plus méridional de France métropolitaine.
Ci-dessus le
de Serralongue, et une vue générale du village dans le massif du Canigó.Les Tours de Cabrenç, ce sont trois tours voisines, juchées chacune sur un piton rocheux, sur une crête qui domine la vallée et tout un flanc du Canigó. On découvre ainsi, tour à tour, la Tour à Signaux (entièrement restaurée), puis la Tour Médiane, et enfin les ruines du château. L’ensemble date du 11ème siècle, et chaque bâtisse avait son rôle.
La Tour à Signaux faisait partie d’un système de communication déployé dans tout le massif du Canigó : les tours utilisaient des signaux de fumée, ou le feu, pour informer le palais de Perpignan d’une attaque. Chaque tour avait vue sur plusieurs autres tours, de sorte à créer tout un réseau pour lancer l’alerte.
La Tour Médiane abritait la garnison, tandis que le château était, en toute logique, un lieu de résidence pour le seigneur local.
L’itinéraire de la rando
Distance : 13,1 km
Dénivelé Positif : 700 m
Détails de l’itinéraire sur le site de l’Office de Tourisme.
Ce n’est pas une randonnée technique, même si une partie du sentier entre les tours est un peu escarpé, mais la montée est longue. Prévoyez de l’eau et des encas !
L’ensemble de l’itinéraire est ombragé.
À noter : pour monter dans la tour à signaux, il vous faut la clef. N’oubliez pas de la demander à la Mairie ou au Bistrot de Pays avant votre départ !
Où manger à Serralongue ?
Dernier commerce du village, le Bistrot de Pays de Serralongue propose aussi bien un ensemble de services indispensables aux habitants (dépôt de pain, presse, épicerie…) qu’un lieu où maintenir du lien social. Sous les parasols
, la chienne Mirza et ses humaines de compagnie servent des repas faits maison dans le restaurant communal.L’Hostal de Cabrenç
16, rue Abdon Poggi
66230 Serralongue
Montferrer
Montferrer est un petit village de moins de 200 habitants, situé dans le Vallespir. La vue y est splendide, mais la meilleure raison d’y venir est de nature gastronomique.
Table d’orientation à l’entrée du village de Montferrer
Les glaces au lait de brebis de Virginie
Après un accueil plus qu’humide et chaleureux par un patou guère consciencieux, Virginie m’emmène visiter la ferme. En chemin, elle m’explique qu’elle ne pourra pas garder le chien, même s’il est né ici, car il passe plus de temps à jouer qu’à rester avec les brebis. Je ne croyais pas les patous capables d’être si choux !
Dans un petit enclos, quelques brebis sont isolées. Virginie me présente Choupette, la doyenne du troupeau. Du haut de ses 12 ans, elle a vécu l’aventure des glaces depuis le début. Et c’est pour cela qu’elle est isolée, avec les autres brebis devenues trop vieilles pour donner du lait. Mais contrairement aux autres brebis, qui partiront en retraite pour paître tranquillement, Clochette restera là, c’est la mascotte !
Notes de voyage, Montferrer, septembre 2021
Virginie a quitté les plaines céréalières de Charentes pour s’installer dans un petit mas traditionnel sur les pentes du Canigó, avec un projet un peu fou : produire des glaces. Mais pas n’importe quelles glaces. Des glaces bio au lait de brebis. Et pas n’importe quelles brebis. Des brebis nourries exclusivement à l’herbe et au fourrage des prairies de l’exploitation.
Ce sont des brebis corses, une race rustique qui s’adapte bien à la région. Les 80 brebis du troupeau passent l’été dans les pâturages, avec une traite par jour. Le lait est transformé dans la journée, à la ferme, par le conjoint de Virginie : un peu plus d’une douzaine de parfums pour des glaces bio, sans œuf, sans gluten, et peu sucrées. C’est ainsi que 300 000 petits pots aux couleurs de « L’étoile de la Bergère » sortent de l’atelier d’Olivier chaque été.
L’Étoile de la Bergère
Les glaces de L’Étoile de la Bergère se trouvent en magasin Biocoop, mais il est possible d’en acheter en vente directe. Prévenez par téléphone avant de passer !
Saint-Laurent-de-Cerdans, capitale de l’espadrille
Saint-Laurent-de-Cerdans, petit village frontalier, fut le théâtre de deux pans majeurs de l’histoire locale : l’un est lié au tissu, l’autre à la dictature franquiste en Espagne.
Espadrilles et vigatanes
Dans le grand atelier de « Création Catalane », je rencontre Céline. Dans ses locaux, elle fabrique des espadrilles et des vigatanes, ces chaussures qui ont longtemps fait la fierté du village. Car c’est ici, à Saint-Laurent-de-Cerdans, qu’est née l’industrie de l’espadrille. D’une sandale qu’on fabriquait chez soi, c’est devenu l’industrie qui a fait vivre la vallée pendant plusieurs décennies. Dans les années 40, il y avait ainsi une vingtaine de manufactures qui produisaient 10 000 paires par jour !
Aujourd’hui, c’est Céline qui dessine les nouveaux modèles, créant des modèles modernes, tantôt chics tantôt fantaisistes. Il y a les vigatanes, l’espadrille catalane à lacets. Des espadrilles à talons. Des espadrilles en cuir. Des espadrilles en sac à café. Et même des espantouffles, hybride version confort moelleux entre la charentaise et l’espadrille.
L’atelier (et la boutique) d’espadrilles
Création Catalane
Chemin du Baynat d’en pouly
66260 Saint-Laurent-De-Cerdans
Le site web.
Ci-dessus : Céline, certifiée Artisan d’Art, dernière dépositaire du savoir-faire ancestral de l’espadrille catalane.
Dans l’entrée de la manufacture, une boutique propose les derniers modèles. Et dans un coin, quelques sandales sont exposées, dont une paire de vigatanes particulières, celles qu’un coureur local a portées lors de marathons. Car l’espadrille est confortable et solide. Les vigatanes, ces sandales à lacets, font notamment partie du costume traditionnel des danseurs de sardane.
La particularité de l’espadrille est, bien sûr, la semelle en corde. Bien avant d’être une sandale branchée pour vacanciers estivaux, l’espadrille était la chaussure des paysans catalans. On la fabriquait à la maison, avec des matériaux peu coûteux : la corde et la toile. La fabrication de la chaussure s’est partiellement mécanisée, les matériaux se sont améliorés, l’intérieur de l’espadrille est à présent doublé de coton pour éviter le contact entre le pied nu et la corde. Céline a à cœur de perpétuer ce savoir-faire et d’utiliser au maximum des fournisseurs locaux, qu’il s’agisse de la toile, de la corde ou du caoutchouc.
La confection d’une espadrille catalane suit le même processus depuis plusieurs décennies. On découpe les semelles de corde et de caoutchouc ainsi que le tissu en lin. La semelle est recouverte de coton, puis viennent la couture du tissu et l’assemblage avec la semelle. Cette étape se fait sur des formes en bois ou en plastique. Ensuite, vient l’étape aussi caractéristique que cruciale : toutes les parties de l’espadrille sont cousues entre elles sur la machine petits points. C’est une étape technique, qui demande de l’expérience. L’atelier de Céline est le dernier a procéder ainsi. Pour finir, on colle la semelle en caoutchouc sous l’espadrille. Et voilà ! C’est plus rapide à écrire qu’à faire !
Ci-dessus : Georges officiant sur la machine petits points
Les tissages catalans
Le tissage artisanal catalan s’est développé à la fin du 19ème siècle, pour fournir les usines d’espadrilles. Aujourd’hui, la dernière manufacture de tissage catalan continue d’approvisionner le dernier atelier d’espadrilles. Les Toiles du Soleil ont conservé les métiers à tisser centenaires, conférant une atmosphère particulière au lieu, tout en modernisant motifs et coloris.
Le musée de Saint-Laurent-de-Cerdans
Maison du Patrimoine et de la Mémoire André Abet
Entrée par l’office de Tourisme
Rue Joseph-Nivet
66260 Saint-Laurent-de-Cerdans
Le site web pour connaître les horaires.
Le musée est principalement consacré à ce qui a fait l’histoire de la ville durant le siècle passé. On y trouve ainsi la reproduction d’une usine d’espadrilles, avec le détail de chaque étape de la confection de ces chaussures. La scénographie intègre des vidéos explicatives très bien faites. On découvre également une partie du musée consacrée à la Retirada, l’exode des réfugiés espagnols : en 1939, la guerre civile qui déchirait l’Espagne prend fin. La République d’Espagne tombe, le général Franco accède au pouvoir, et ce sont plus de 450 000 républicains qui franchissent la frontière pour trouver refuge en France. Dans le Haut-Vallespir, trois camps sont créés pour « accueillir » les réfugiés : Saint-Laurent-de-Cerdans héberge 5000 espagnols sur des lits en bois, aujourd’hui exposés dans le musée. Ici encore, la scénographie est très bien conçue, et je dois avouer qu’il me paraît impossible de ressortir de la pièce sans une boule dans la gorge.